Les Dits de Silence...
Une sélection de deux-cent-dix poèmes en vers libres.
« Les Dits de Silence » s'offrent au recueillement,
là où notre humanité se donne à lire.
Un livre qui réenchante la relation pour que la prodigalité nous revienne.
Une écriture, tel un retour à soi, en poésie.
Là où l'on se tient tout près des mots,
ensemble, solidaires et solitaires,
resserrés autour du Silence « à des fragments du chaos mêlés ».
Ainsi, le Feu
Si ta maison venait à brûler, qu'emporterais tu ?
J'emporterais le feu.
Jean Cocteau
Ainsi, le feu
C'est le doute que, toujours, on convoque.
Hésitants, mais sans équivoque.
Incrédules à nos propres fulgurances.
Incertains, face aux forces qui nous poussent.
Disciples des incertitudes
qui nous brûlent et nous attirent vers l'Inconnu.
Nous vacillons, petites flammes prises
dans les vent-coulis du clair-obscur,
exposée, sans cesse, à l'appel radiant de la Nostalgie.
Transformés, et pourtant,
de plus en plus nous-mêmes.
Émiettés, réduits à rien,
et pourtant, de plus en plus total.
Tant de matière, en nous, combustible.
Ainsi, le Feu.
*
Archéen
Les premières formes de vie terrestre
seraient apparues à l'issue d'une période de pluies
qui aurait durée plusieurs centaines de millions d'années.
Nous sommes entre -4 et -2,5 GA (Giga Annum).
Archéen
Un lit de roches fait rouler le magma
sur le bas-côté du monde.
L'eau fait goutte de chaque ciel,
puis torrent sur le torse des minéraux.
Onde de choc, de chaque écho, que crée
l'abrupte concrétion des rocs.
La Terre empile ses blocs,
superpose ses verticales.
Elle fixe ses ridelles de fortune
sur le mouvement des lunes.
Elle échafaude, scelle et agglomère
pour, enfin, libérer et faire
chutes libres des paysages.
Elle livre l'espace à l'ivresse de l'attraction
Le Très-Haut bascule, se rompt,
se dissipe et crépite en millions de molécules.
Il ensemence d'obscurs souterrains.
Les souveraines latitudes se terrent
dans les gouffres ténébreux de l'intra-terre
faisant lave de la sève terrestre.
Le monde du haut rejoint le Très-Bas.
Tout est bousculé et tout chavire.
Averse lâchée dans les eaux vives
pour faire expérience de chaque tentative.
Rien ne sera plus pareil.
La vie en état de veille.
De chaos en cataractes.
D'avens en abîmes.
Précipités de particules,
comme le nécessaire préambule
des champs d'investigations,
propices aux chants
de la matière non répertoriée.
Déluge sur la Terre-Mère.
Son visage dessine, à peine ressuyé,
dans le fragile limon des fondrières,
un front blessé.
Déjà, trop lourde à porter,
une couronne d'épines sur sa tête,
assertion de l'exosquelette
des premiers invertébrés.
*
Car leurs noms sont une graine
Car leurs noms sont une graine
Jardins suspendus de Babylone.
Délices des Bois Sacrés.
Pommes d'or des Hespérides.
Domaine d'Arcadie.
En tous ces lieux,
je laisse aller mon esprit.
Alors, je fais racines de mes pieds
et parure végétale de ma tête.
Paradis de l'Eden.
Terres de Suzhou.
Roseraies du Roi Midas.
Vergers de Kenroku-En.
Des gouttes de pluie glissent
du ciel vers mes reins.
Elles suivent les larges aplats
de verdure rutilante
qui débordent de la canopée de ma poitrine.
Clos de Giverny.
Le Pré des Asphodèles.
Royaume des Délices.
Ma respiration ruisselle
et se chlorophylle.
Fragrances suaves et sonores.
Jardins de l'Alhambra.
Parterre d'Yggdrasil.
Rivages fleuris d'Hyperborée.
Quelque chose me pousse.
Parsemé,
je marche,
jardin en mouvement.
Clairsemé,
je me repose,
jardin en dormance.
*